đ La mĂ©decine prĂ©ventive :
Est-ce une médecine avant la maladie, donc sans maladie ?

Résumé
On entend souvent parler de « mĂ©decine prĂ©ventive » ou de « traitements avant l’arrivĂ©e d’une maladie ». Mais mĂȘme quand aucun diagnostic nâest posĂ©, la mĂ©decine reste centrĂ©e sur la maladie comme hypothĂšse implicite.
En revanche, le patient, lui, agit Ă partir des symptĂŽmes concrets. Ce dĂ©calage structure les pratiques mĂ©dicales dâhier et dâaujourdâhui.
âïžLa nature a horreur du vide
Mais nous avons tous un Ă©norme problĂšme : notre Ă©ducation a fait de nous des personnes endurcies, qui n’Ă©coutent plus leur corps, qui n’entendent pas qu’il hurle depuis une Ă©ternitĂ© qu’il s’endurcit, se sclĂ©rose, s’enferme, se protĂšge et se coupe de sa source de rĂ©paration. « Sois fort », « sois un homme », « ne t’Ă©coute pas, ne te plains pas et regarde les autres qui, eux, souffrent vraiment. »
Et par lĂ , nous crĂ©ons un vide qui attire les maladies, ainsi que leurs gestionnaires, les mĂ©decins, qui trouvent dans les analyses sophistiquĂ©es ce que le corps exprimait depuis des annĂ©es simplement Ă travers ses maux, ses migraines, son embonpoint, sa raideur, ses douleurs, …
Mais parlons-en : ces signes ne sont pas la preuve d’un risque de maladie, mais le destin concret d’un corps qui souffre concrĂštement.
Ceux qui ignorent ces petits signes sans importance et se considĂšrent en bonne santĂ©, et qui ont par exemple Ă©chappĂ© au Covid avec « juste un petit rhume », sont en fait les plus mal lotis pour se reconnecter Ă la rĂ©alitĂ© de leur corps. Le corps, lui, ne peut pas les suivre dans leurs excursions dans le passĂ© ou le futur : il reste ancrĂ© dans la rĂ©alitĂ© du prĂ©sent ! Mais leurs cerveaux filtre ces signaux forts, devenus faible et inaudible. Ils ont donc besoin d’un gestionnaire pour les prĂ©parer mentalement Ă la catastrophe d’une maladie menaçante, car ils ont ignorĂ© la rĂ©alitĂ© de leurs symptĂŽmes.
đĄ Une idĂ©e reçue : la mĂ©decine prĂ©ventive serait « sans maladie »
La mĂ©decine appelle ceci « MĂ©decine prĂ©ventive » : Ă premiĂšre vue, la mĂ©decine prĂ©ventive semble agir sans maladie : vaccination, dĂ©pistage, hygiĂšne de vie… Pourtant, toutes ces actions sont guidĂ©es par une mĂȘme logique : Ă©viter lâapparition de maladies connues. MĂȘme en lâabsence actuelle de pathologie, la maladie reste le centre invisible du raisonnement mĂ©dical.
« PrĂ©venir, câest anticiper lâĂ©mergence dâun Ă©tat pathologique » â E.A. Clarke, Preventive Medicine and Public Health, 1974
âïž Un systĂšme mĂ©dical structurĂ© autour du risque
Lâobjectif de la mĂ©decine nâest pas seulement de soigner ce qui est lĂ , mais dâagir en amont. Elle surveille, modĂ©lise, anticipe. Elle agit sur les corps en vue dâĂ©viter un scĂ©nario pathologique modĂ©lisĂ©, souvent probabilisĂ© par des donnĂ©es.
Cette logique est bien prĂ©sente dans les politiques publiques de santĂ©, les check-ups, la mĂ©decine personnalisĂ©e ou encore les algorithmes dâalerte biomĂ©dicale.
đ€ Le patient : non pas autour de la maladie, mais du ressenti
En miroir, le patient agit depuis lâexpĂ©rience vĂ©cue. Il consulte pour une douleur, une gĂȘne, une fatigue… mĂȘme si aucune maladie nâest dĂ©tectĂ©e. Ce sont les symptĂŽmes qui dĂ©clenchent lâaction, pas une entitĂ© abstraite.
« Le patient cherche un soulagement, pas une dĂ©finition. » â G. HermerĂ©n, The patient’s view in clinical decision-making
đ§¶ Deux logiques en tension
| Perspective | Point dâancrage | Ce qui motive l’action |
|---|---|---|
| Médecine | La maladie (présente ou possible) | Prévenir, diagnostiquer, traiter |
| Patient | Le symptÎme (concret, vécu) | Soulager, comprendre, agir |
đ§Č Le concept de maladie comme prophĂ©tie auto-rĂ©alisatrice
Lâun des effets paradoxaux de la mĂ©decine moderne est que lâĂ©nonciation mĂȘme dâun diagnostic ou dâun risque peut favoriser son apparition. Ce phĂ©nomĂšne, Ă©tudiĂ© sous le nom dâeffet nocebo, montre que la suggestion nĂ©gative peut produire des altĂ©rations physiologiques concrĂštes.
MĂȘme sans agent pharmacologique actif, la simple focalisation mentale sur la maladie (par lâannonce dâun risque, la rĂ©pĂ©tition dâexamens, ou lâattention constante portĂ©e Ă un organe) peut entraĂźner :
- une modification du schĂ©ma corporel (neuroplasticitĂ© dirigĂ©e par lâattention),
- une altération du systÚme nerveux autonome (tension, hypervigilance),
- et une vulnĂ©rabilitĂ© accrue aux troubles fonctionnels (douleurs chroniques, fatigue…).
đ En rĂ©sumĂ©
- La médecine dite « sans maladie » reste centrée sur la maladie comme entité à éviter.
- Le patient, lui, rĂ©agit Ă ce qui est ressenti, indĂ©pendamment dâun diagnostic.
- Mais son Ă©ducation l’a rendu insensible Ă son propre corps : il doit donc choisir entre 1) suivre aveuglement la mĂ©decine dans sa logique de profil Ă risque, ou 2) se tourner vers son corps, l’Ă©couter, se laisser guider par son intelligence naturelle. Sachant que ces patients-lĂ , deviennent « rebelles ».
- Ce dĂ©calage peut expliquer certaines incomprĂ©hensions ou tensions dans la relation soignantâsoignĂ©.
- Repenser cette relation pourrait ouvrir à une médecine plus incarnée, plus symptomatiquement guidée, sans perdre la vigilance médicale.
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